Convertir à grande échelle - c'est possible
Dans le cadre de notre activité, nous avons la chance de rencontrer des personnes qui ont des histoires très intéressantes à raconter.
Les personnes qui travaillent selon le cahier des charges de l'agriculture biologique ne sont pas tous nées agriculteurs.
Les chemins parcourus pour y arriver sont parfois pleins de tournants et de surprises - bons et mauvais !
La chambre de l'agriculture du Gers, qui nous encourage vivement dans notre travail, nous a parlé d'un anglais qui a fait énormément de bien pour l'agriculture biologique du Gers.
D'origine britannique moi-même, et ayant connu les hauts et les bas d'une adaptation à la vie en France, j'ai souhaité discuter avec cette personne de son histoire. Je voulais savoir comment elle a fait pour non seulement s'adapter à la vie française, mais surtout avoir le courage de convertir plus de 250 hectares de terres en agriculture biologique, avec toute la partie administrative qui en suit, sans parler la langue !
L'histoire de David*
Vivant à Londres pour son travail, David cherchait une maison en France pour venir se reposer et se retrouver avec sa famille dans un cadre calme et rural. Ayant de la famille d'origine française, il savait qu'il aimait la France et plus particulièrement le Gers.
Au début, il ne cherchait pas forcément une ferme. Il voulait une maison avec un jardin et de la terre.
Le hasard a fait qu'il trouve une vielle bâtisse en pierre et il tombe sous le charme de l'endroit.
La propriété contenait une ferme de 140 hectares. Le propriétaire de l'époque n'y venait jamais et avait laissait un agriculteur libre de travailler comme il le souhaitait.
Toutes les terres étaient travaillées de façon conventionnelle et on y cultivait du blé, du tournesol et du maïs.
En achetant l'ensemble, David s'est occupé dans un premier temps de la maison puis il a regardé de plus près ce qu'il se passait à la ferme.
Il était effaré de voir la quantité de pesticides et d'engrais que l'agriculteur mettait sur ses terres, sans parler du coût de ces produits.
David remarquait également que pour faire pousser le maïs, il fallait irriguer de façon continue et puiser l'eau dans les lacs et non pas que dans les rivières. Les résultats de cette méthode étaient évidement nocifs pour l'environnement ; le niveau d'eau dans les lacs baissait de telle sorte qu'il n'y avait que de la boue tout autour et la biodiversité en souffrait.
Sa famille se baignait dans ces lacs. Pour lui, les produits chimiques devaient se retrouver dans l'eau et, l'été, la quantité et qualité de l'eau était faible.
Il a décidé d'agir, et de façon radicale.
La conversion des terres
Décision prise, David avait besoin d'aide pour convertir les terres. Il s'est mis à chercher un agriculteur avec de l'expérience en agriculture biologique.
Plusieurs personnes se sont présentées, mais David savait qu'il lui fallait quelqu'un avec des fortes convictions.
En prenant le temps, il a rencontré François*, un agriculteur engagé qui lui-même imposait des conditions strictes concernant l'agriculture biologique.
Il fallait tout convertir en même temps. David était d'accord et François accepte le poste.
Refus de subvention car le propriétaire n'est pas français !
Le premier obstacle rencontré était assez surprenant voir même choquant. La demande d'aide à la conversion de David était refusée pour cause du fait qu'il n'était pas français - même s'il voulait convertir des terres françaises !
Convaincu que sous la loi européenne cette discrimination n'était pas légale, David a insisté dans sa demande et a fini par obtenir les aides.
Convertir autant de terre en même temps n'était pas facile.
Les mauvaises herbes représentaient un vrai fléau qu'il fallait maitriser.
Pendant les années de conversion, les rendements étaient moindres et les cultures vendues au prix du conventionnel.
Financièrement, il s'agit d'une période charnière et il faut tenir.
David et François ont décidé d'arrêter complètement la culture du maïs afin de réduire la quantité d'eau nécessaire pour irriguer les terres.
Ils se sont concentrés sur le blé, le tournesol, le soja, le triticale...il faut quand-même irriguer, bien sûr, mais la quantité d'eau nécessaire est bien moindre et il suffit de prendre des rivières et non plus dans les lacs.
L'engagement pour une agriculture propre et un respect pour la nature ne s'arrêtent pas là. David a pris l'initiative de contacter « Arbres et Paysages » pour replanter les haies qui avaient été arrachées.
Ils ont laissé des bandes enherbées autour des champs pour encourager les insectes pollinisateurs à s'y installer.
Les résultats
Aujourd'hui, David est ravi de son choix. Sur le plan financier, il est content de ne plus dépenser une fortune en produits chimiques. Les résultats de cette agriculture propre sur la flore et le faune sont très évidents.
Un spécialiste a recensé plus de 300 espèces de papillon de nuit, 70 espèces de papillon, 15 sortes d'orchidées sauvages, des oiseaux qui sont revenus sur les terres...
L'exploitation a installé des ruches et David prend grand plaisir à savoir que ce miel vient de ses terres.
Lorsqu'il vient se reposer dans sa maison, il sait que lui et sa famille bénéficie d'un environnement propre. Ils se baignent dans les lacs sans se soucier des pesticides qu'il peut y avoir.
Grace à son investissement personnel, sa ténacité et sa volonté de vouloir rendre propre et durable l'activité sur ses terres, David participe a faire avancer l'agriculture biologique. Il a démontré que c'est possible à grand échelle et tout en même temps.
Espérant qu'en racontant son histoire, nous encourageons d'autres à faire le pas !
* les personnes souhaitant rester anonymes, leurs noms ont été modifiés